quinta-feira, 22 de janeiro de 2015

Jacqueline Laufer, L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes


 L'égalite professionnelle entre les femmes et les hommes
 «1Comment la question de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est-elle devenue légitime ? Quels sont les résultats de sa progressive mise sur agenda ? Quels sont les écarts entre principes et mise en œuvre ? En proposant un état des savoirs sur ces questions, Jacqueline Laufer offre une synthèse qui, dans la logique des ouvrages de la collection Repères, vise à fournir des données essentielles, selon une présentation pédagogique. Informée par un large corpus de travaux en histoire, sociologie, économie et gestion, et de rapports produits par et pour de multiples acteurs (organismes étatiques, syndicats de salarié-e-s, associations et think tanks,…), l’auteure propose ainsi d’éclairer un constat majeur : si le principe de l’égalité professionnelle fait l’objet d’un large consensus, il est « encore loin d’être inscrit dans la réalité » (p. 109).

2Organisé en quatre chapitres, l’ouvrage resitue tout d’abord la question de l’égalité professionnelle dans son contexte, en rappelant les principaux processus qui participent de façon combinée aux rapports sociaux de sexe et à la production des inégalités (Chapitre 1. La construction des inégalités : entre marché du travail, processus organisationnels et rapports familiaux). Il explicite ensuite la chronologie des avancées juridiques, en soulignant l’articulation d’un cadre international et national et en montrant comment le contenu et la portée du droit de l’égalité professionnelle ont progressivement évolué (Chapitre 2. L’égalité professionnelle : des principes juridiques à leur mise en œuvre). Puis, l’ouvrage analyse les principaux acteurs concernés et les formes et degrés de leur engagement (Chapitre  3. Les acteurs et les enjeux de l’égalité professionnelle : l’État, les entreprises, les syndicats). Enfin, sont mis en lumière les apports et limites des démarches en matière d’égalité professionnelle (Chapitre 4. Les démarches de mise en œuvre de l’égalité professionnelle). Ce faisant, l’ouvrage développe quatre idées majeures pour éclairer les processus complexes dans lesquels la question de l’égalité professionnelle se trouve inscrite.

3Première idée, les mécanismes sociaux qui contribuent à produire des inégalités entre les sexes dans le domaine professionnel sont multiples, opérant à différents niveaux. Partant, construire l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes suppose de prendre en compte et d’agir sur différentes dimensions : la façon dont sont construites socialement les qualifications, avec le constat d’une dévalorisation systématique des qualifications et emplois féminins ; l’influence de normes et de stéréotypes de genre dans les pratiques de gestion des ressources humaines des entreprises ; les politiques sociales et familiales dont les contenus peuvent renforcer ou au contraire atténuer la division sexuelle du travail domestique ; les normes et stéréotypes genrés véhiculés et reproduits dans l’éducation et l’orientation scolaire et professionnelle, qui contribuent à maintenir une ségrégation sexuée des métiers.

4Seconde idée, le droit de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est le fruit d’une longue construction. L’ouvrage revient ainsi sur la conquête des droits des femmes en France, dans laquelle cette construction s’inscrit. Il rappelle la chronologie des lois qui, de 1907 à 2014, marquent différentes avancées touchant la citoyenneté politique et économique et la reconnaissance de droits en matière d’autorité parentale, de contraception et d’avortement. Il montre également l’influence majeure du droit européen, en soulignant les réticences initiales des législateurs français à intégrer certaines notions juridiques mobilisées dans les textes communautaires en matière d’égalité professionnelle, comme par exemple celle d’« action positive ». La prise en compte de la question de l’égalité professionnelle par le droit français, est venue par ailleurs remettre en cause la logique maternaliste qui prévalait depuis la fin du XIXe siècle, et qui visait moins l’égalité, que la protection de salariées par rapport à des conditions de travail jugées incompatibles avec leur rôle maternel (interdiction du travail de nuit, …).

5Le cadre juridique de l’égalité professionnelle en France s’est donc étoffé progressivement. Evolutions successives, allant des premiers principes affirmant une égalité formelle – « égalité des droits » - à la recherche d’une égalité plus substantielle. Après l’affirmation de principes d’égalité dans le préambule de la Constitution de 1946 et de l’égalité des rémunérations pour un travail « de valeur égale » (1972), apparaît la volonté d’une mise en œuvre concrète. Avec le vote de la loi de 1983 dite « Loi Roudy », est clairement posée la question des moyens destinés à obtenir une égalité effective dans la sphère du travail. Par l’introduction du principe des actions positives, la loi de 1983 va légitimer « des mesures temporaires prises au seul bénéfice de groupes de femmes et visant à établir leur égalité des chances » (p. 27), dans différents domaines du travail et de l’emploi (embauche, formation, promotion, …). Dans le prolongement de ces efforts pour une égalité substantielle, l’arsenal législatif est ensuite complété par trois lois successives (2001, 2006, 2014), qui renforcent les contraintes en matière de mise en œuvre de l’égalité et instituent notamment une obligation de négocier.

6Troisième idée, le grand nombre d’acteurs appelés à coopérer contribue à rendre particulièrement complexes la construction et la mise en œuvre effective de l’égalité professionnelle. Soulignant les rôles respectifs de l’État, des entreprises et des syndicats de salarié-e-s, J. Laufer montre que ces acteurs ne présentent ni le même niveau de sensibilisation à la question, ni les mêmes préoccupations. Confrontées à des contraintes juridiques qui varient selon leur taille, les entreprises s’avèrent diversement impliquées, la situation étant beaucoup plus favorable pour les salariées des plus grandes structures.

7S’il met par ailleurs en avant le rôle moteur et l’engagement de l’État en faveur de politiques d’égalité, conduisant à évoquer l’idée d’un « féminisme d’État », l’ouvrage relève toutefois que les arguments invoqués par la puissance publique en faveur des politiques d’égalité changent et se rapprochent, dans la période récente, des discours en vigueur en entreprise. Tout en renforçant la dimension coercitive du dispositif juridique, l’État tend ainsi à faire passer au second plan les objectifs de justice sociale, au profit d’une rhétorique fondée sur la performance économique.

8Quatrième idée, l’ouvrage fait état d’un paradoxe quant aux avancées réalisées. Tout d’abord, plusieurs éléments paraissent témoigner de la légitimité acquise par la question de l’égalité professionnelle : la croissance du nombre d’accords de branche et d’entreprise, l’augmentation du recours au droit, l’usage reconnu et l’acception plus large de la notion de discrimination qui englobe désormais les discriminations indirectes (c’est-à-dire les mesures prises par les entreprises, qui, non construites spécifiquement pour différencier, produisent concrètement des inégalités entre les femmes et les hommes). De même, entrainant un examen systématique des politiques publiques à l’aune de leurs effets en terme d’égalité femmes/hommes, le développement du gender mainstreaming signale la reconnaissance acquise par le sujet.

  • 1 Sur le concept d’intersectionnalité, on peut lire Alexandre Jaunait et Sébastien Chauvin, « Représe (...)
9Mais, dans le même temps, les enjeux de l’égalité professionnelle semblent être progressivement occultés par la thématique de la « diversité », qui a connu un engouement récent extrêmement rapide. S’il a le mérite de soulever la question de l’« intersectionnalité »1 des rapports sociaux (en particulier de sexe, d’ethnicité et d’âge), un tel succès peut conduire à ignorer la portée générale et l’ampleur des discriminations dont sont victimes les femmes.

10Au total, l’ouvrage offre une synthèse précieuse pouvant intéresser un large public d’étudiant-e-s, d’enseignant-e-s et de professionnel-le-s. Il dresse un tableau des progrès réalisés et des étapes à venir et tire les enseignements des obstacles qui subsistent.[...]»

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