segunda-feira, 5 de janeiro de 2015

Wolfgang Streeck, Du temps acheté. La crise sans cesse ajournée du capitalisme démocratique


 Du temps acheté
«1Sans grand risque de se tromper, on peut prédire que Du temps acheté deviendra un livre important : la démonstration implacable livrée par l’auteur, Wolfgang Streeck, aboutit en effet à des conclusions alarmantes qui feront dates. Des conclusions qui, de surcroît, nous engagent en tant que citoyens.

2Le sociologue de l’économie allemand nous offre en effet une analyse brillante et originale des conditions de surgissement de la crise financière de 2007-2008. En s’appuyant sur les théoriciens de l’École de Francfort pour avancer sa thèse, Wolfgang Streeck s’interroge plus largement sur la logique de fonctionnement du capitalisme. Il tire de sa réflexion des idées fortes : depuis la fin des « Trente glorieuses » (1945-1973), l’économie capitaliste doit assumer une crise structurelle qui ne s’est évidemment jamais réellement solutionnée ; le capitalisme est donc voué à s’autodétruire. Dans cette perspective, la financiarisation des économies n’aura finalement été qu’une façon de retarder l’échéance… Et la dimension démocratique du capitalisme s’est éteinte, particulièrement depuis la crise de 2008, notamment en Europe.

3On saisit ici que cet ouvrage, Du temps acheté, pose au bout du compte une question fondamentale et tellement dérangeante : le capitalisme – tel qu’il existe aujourd’hui – peut-il encore permettre à une forme de démocratie d’exister ? On l’a déjà compris : pour l’auteur, le politique a perdu face à l’économique et au financier, si bien qu’il faudrait admettre l’idée que nous sommes en « post-démocratie ». Par exemple, le niveau colossal des dettes souveraines – les dettes des États – démontrerait définitivement que ce ne sont plus désormais les élus qui gouvernent mais bien les marchés financiers. Au fond, les « gens de marché » – suivant l’expression quelque peu imprécise de l’auteur – sont devenus des « citoyens bis » qui, condition très aggravante, se montrent bien plus puissants que les « citoyens réels ».

4Wolfgang Streeck met en avant trois phases dans l’histoire récente du capitalisme pour justifier ces affirmations pour le moins préoccupantes : l’« État fiscal » qui s’appuie sur les prélèvements obligatoires pour financer ses dépenses publiques cède la place à un « État débiteur », lorsque les pouvoirs publics doivent s’appuyer sur la dette pour maintenir les réformes sociales et ainsi s’offrir un consensus à crédit ; enfin, l’« État débiteur » qui s’est imposé une dette consolidée, soit l’État d’aujourd’hui, celui qui ne cesse de se refinancer sur les marchés financiers et se trouve donc dans l’obligation de toujours donner des gages à ses prêteurs. Dès lors, les gouvernants ne sont plus que des agents passifs qui doivent satisfaire les exigences des « gens de marché ». Aussi, l’État démocratique est défait : les décisions politiques ne sont plus celles de la souveraineté populaire mais seulement celles qui permettent de conserver la confiance des prêteurs. C’est ainsi que Wolfgang Streeck explique les politiques publiques menées ces dernières années qui réduisent considérablement la protection sociale et la place des services publics. On reconnait ici la situation des économies des pays de la zone euro. D’ailleurs, les règles qui contraignent les choix budgétaires ne sont pas nécessairement validées à la suite d’un vote direct. Rappelons-nous, par exemple, que les dispositions du Traité constitutionnel européen ont été rejetées par les Français lors du référendum de 2005 pour ensuite être tout de même ratifiées – pour l’essentiel d’entre elles – par la voie parlementaire, en 2007, sous la forme du Traité de Lisbonne.[...]»

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