segunda-feira, 25 de maio de 2015

Cybersécurité, l’antivirus de Shrödinger

Insuffisant mais indispensable, l’antivirus doit s’inscrire dans une stratégie de sécurité globale mais pas forcément inabordable

cybersecurite

«Alors que la question de la sécurité revient régulièrement sur le devant de la scène médiatique, à chaque affaire importante de piratage, nombre de dirigeants ne se sentent pas concernés et n’équipent pas leurs systèmes d’information ni leur site Internet de protections adéquates. Or, l’antivirus, symbole pendant de longues années de la sécurité des ordinateurs, ne suffit plus, désormais, pour protéger les entreprises. Son utilisation doit s’inscrire dans une stratégie coordonnée et cohérente. Et les patrons ne peuvent plus se permettre d’hésiter à investir dans la cybersécurité, car des textes de loi s’annoncent, qui engageront la responsabilité des dirigeants en cas de vols de données clients.
 
Mohammed Boumediane ne s’embarrasse pas de fausse modestie et ne cache pas sa fierté : “après deux ans de recherche et développement, nous avons mis au point un excellent produit de cybersécurité, salué par de nombreux experts”. Le PDG de la jeune société HTTPCS, basée à Montpellier, se définit comme un “white hat”, un hacker qui aide les sites Web à repérer et à corriger les failles de sécurité. Son entreprise propose un scanner qui scrute et teste les sites Web à la recherche de la moindre vulnérabilité. Une fois le diagnostic établi, HTTPCS produit un rapport et propose au dirigeant de visualiser, pas à pas, comment le site Web de son entreprise pourrait être piraté.

“L’objectif est de bousculer le dirigeant, même s’il ne possède aucune compétence technique, pour qu’il se rende compte du danger”, explique Mohammed Boumediane. Après un peu moins d’une année de commercialisation, la PME aurait convaincu plus de 8 400 clients. Accroché à son tableau de chasse : Adobe, Bouygues Telecom, Google ou encore Twitter. “Les Américains investissent énormément pour sécuriser leurs systèmes, il est temps que les Français s’y mettent”, avertit celui-ci.

L’antivirus est mort


80 % des sites Web qui se terminent en “.fr” sont vulnérables, affirme Mohammed Boumediane. L’actualité depuis le début de l’année 2015 lui donne raison. Fin janvier, une quinzaine de jours après les attentats de Paris, 25 000 sites français ont été piratés par des groupes de hackers se revendiquant d’organisations islamistes. Les pages Internet du conseil général du Lot, du Mémorial de Caen, des filiales de Carrefour et de BNP Paribas ont été compromises.

En cause : des sites Web mal configurés, rarement mis à jour, protégés par des mots de passe simplistes. Alors que l’organisation policière européenne Europol hissait, le 17 avril dernier, la cybercriminalité au premier rang des menaces mondiale pour la société, au côté terrorisme, nombre de chefs d’entreprise restent persuadés qu’ils ne seront jamais la cible d’une attaque. Au mieux se contentent-ils d’un antivirus.

“L’antivirus est mort”, assène le PDG d’HTTPCS, reprenant les propos de Brian Dye, vice-président de Symantec, l’un des pionniers de l’antivirus, qui commercialise notamment Norton.

Régulièrement, le débat sur leur utilité refait surface. “L’essentiel de nos données n’est plus stocké sur nos ordinateurs, mais dans le cloud. Quant aux virus, ils sont devenus intelligents, ils savent passer inaperçus”, argumente-t-il encore.

Les antivirus fonctionnent à partir d’une base de signatures, un profil de virus. Comme si un gardien d’immeuble devait empêcher tous les hommes portant une chemise noire de passer le pas de la porte. Or, aujourd’hui, les virus savent se déguiser et changer de chemise, devenant indétectables. “Environ 80 000 nouveaux virus et malwares apparaissent quotidiennement, confirme Philippe Rondel, directeur technique France de CheckPoint. Les bons logiciels en identifient jusqu’à 90 %, mais jamais la totalité. Cependant, il faut relativiser : l’antivirus reste une brique de base dans la stratégie de sécurité.” Insuffisant, mais indispensable, tel est l’avis d’une majorité de professionnels de la sécurité.

Mot de passe : 1234


D’autant plus qu’aujourd’hui, les éditeurs d’antivirus travaillent à dépoussiérer l’image de ces outils. Terminé, le logiciel lourd qui ralentit l’ordinateur et qui envoie les notifications intempestives par dizaines. “Nos produits s’adaptent aux besoins de nos clients, argue Benoît Grunemwald, directeur commercial et marketing chez Athena Global Services. En plus d’un socle commun, antivirus et pare-feu, qui se trouve dans toutes nos solutions, nous proposons à nos clients professionnels la mise en place de machines virtuelles, de l’administration à distance, du chiffrement des données ou encore la protection des smartphones et des tablettes.” Le pack total, installé sur des milliers de machines, coûte plusieurs milliers d’euros. “Les PME qui souhaitent une protection de base sur une centaine d’ordinateurs peuvent compter sur une quinzaine d’euros par machine”, indique Benoît Grunemwald.

“Les solutions de sécurité de premier niveau ne représentent pas un coût insurmontable, confirme Vincent Strubel, sous-directeur “expertise” de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). De bonnes pratiques et des outils simples constituent une première barrière contre les attaques non ciblées.” L’agence vient de sortir un guide des douze bonnes pratiques, à l’attention des chefs de petites et moyennes entreprises : mettre à jour ses logiciels, effectuer des sauvegardes régulières, sécuriser l’accès wifi de l’entreprise, choisir un mot de passe complexe… 14 % des internautes se fient à une simple suite, du type “1234” ou “azerty”, qui n’arrêteront les hackers que quelques secondes.

“Nous prenons la sécurité des PME très au sérieux, poursuit Vincent Strubel. Notre problème, c’est la prise de conscience des dirigeants. Nous travaillons avec la CGPME, notamment, pour dialoguer avec les chefs d’entreprise. En rédigeant le guide, nous nous sommes rendu compte que certains termes qui paraissent évidents à la jeune génération, comme ‘wifi’, nécessitaient d’être définis. Nous avons dû simplifier notre langage, utiliser des exemples concrets. Une partie des patrons de petites structures ont du mal à s’approprier le numérique et il s’avère encore plus compliqué, pour eux, de prendre en compte les problématiques de sécurité.”

La difficulté, pour la plupart des chefs d’entreprise, vient désormais de la multiplicité des outils. Le temps où l’antivirus régnait en maître, ou presque, comme principal outil de la cybersécurité est révolu. Aujourd’hui, pléthore de solutions répondent à des menaces toujours plus variées.

50 casseroles sur le feu


“La difficulté, c’est d’avoir une vision d’ensemble, soutient Sébastien Faivre, DG de Brainwave. Trop souvent, on a une approche en silos, c’est-à-dire que le point d’attention se déplace sur une problématique ou une autre, en fonction du niveau de maturité et des derniers désagréments subis par l’entreprise.” Pour protéger parfaitement un seul site, une dizaine d’outils différents peuvent être installés. Les grands groupes, qui possèdent plusieurs sites Internet pour chaque filiale, doivent donc surveiller une multitude d’indicateurs. “Il faut gérer 50 casseroles sur le feu en même temps et réagir en temps réel, illustre Jean-Yves Pronier, field marketing chez Brainwave. Le temps réel, souvent, c’est même déjà trop tard, ça veut dire que l’attaque a eu lieu.”

Pour les chefs d’entreprise, à la problématique de la complexité technique s’ajoute celle du coût. Or, seules les grandes entreprises peuvent généralement financer une équipe informatique dédiée. Les PME, les PMI et les TPE se tournent donc vers des prestataires, lesquels ont compris l’importance de fournir des solutions simples et lisibles.

Cartographie des données, des terminaux et des risques


Brainwave, l’un des leaders mondiaux en analyse de la sécurité des droits d’accès sur les applications et les données, a développé un “cockpit” de cybersécurité qui, comme le tableau de bord d’une voiture, permet de garder un œil sur les indicateurs les plus importants et d’alerter l’utilisateur en cas de panne.

“La cybersécurité nécessite un budget, ce qui signifie que l’entreprise doit classer ses priorités en matière de sécurité et faire des choix, affirme Bruno Labidoire, senior director of technology pour l’Europe du Sud chez Informatica, société spécialisée dans la donnée. Pour établir cette hiérarchie, elle doit cartographier son système d’information.” Cartographier signifie lister tous les composants de l’entreprise : les systèmes centraux, les serveurs, cloud ou non, les terminaux mobiles, les objets connectés… Chacun de ces appareils n’a pas forcément le même accès à l’information de l’entreprise. Or si les commerciaux peuvent accéder à la totalité du fichier client depuis leur smartphone, par exemple, l’entreprise a besoin de le savoir pour construire une stratégie de sécurité. “Ensuite, il faut attribuer un degré de criticité à chaque gisement de données, poursuit Bruno Labidoire. C’est souvent ce qui manque dans les entreprises, parce que les systèmes informatiques se sont construits au fur et à mesure au cours de dix, quinze ou vingt dernières années.”

Pas encore responsable, mais déjà victime


Bien qu’il existe des solutions de base et des bonnes pratiques qui ne coûtent presque rien à l’entreprise, les outils plus perfectionnés, à l’image des technologies de chiffrement, de cartographie ou le scanner d’HTTPCS, s’accompagnent parfois d’une facture salée. Si les petits sites Web, qui ne totalisent que quelques centaines de pages, ne paieront qu’une quinzaine d’euros pour utiliser le scanner d’HTTPCS, les sites Internet de taille moyenne ou importante, qui totalisent des millions de pages, devront s’acquitter de milliers d’euros. De la même manière, la gamme de prix des solutions d’Informatica commence à 50 000 euros.

“C’est comme une assurance”, raisonne Mohammed Boumediane. Une assurance sur le point de devenir obligatoire. “La loi de programmation militaire contraint les organismes d’importance vitale à sécuriser leurs plateformes. Ce texte englobera bientôt toutes les entreprises qui manipulent des données clients.” Autrement dit, la responsabilité du dirigeant en cas de vol de données s’affirme de plus en plus.[...]»

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