«Ce nouveau contexte offre un avantage décisif aux Etats dans leur gestion du surendettement : le temps.
Depuis une quinzaine d’années la création monétaire a été
très active, non seulement en Europe mais aussi dans le reste du monde,
avec une tendance à l’accélération au cours des dernières années.
En zone euro par exemple, le rapport de la masse monétaire au P.I.B.
(qui donne la mesure inversée de la vitesse de circulation de la
monnaie, a bondi de moitié entre 2000 et 2008 sous l’effet d’une
politique monétaire très accommodante luttant contre une crise
financière systémique. Dans l’ensemble du monde la hausse a été plus
régulière mais presque aussi forte au total. La grande abondance de
liquidité est donc un fait indiscutable, mais faut-il pour autant en
conclure à un excès qui pourrait être dangereux s’il venait à être
corrigé pour un retour en arrière brutal ? Celui-ci serait synonyme de
forte relance de l’inflation, de hausse violente des taux d’intérêts et
donc de crise financière majeure. Le risque à éviter est bien celui de
la réversibilité du mouvement.
Jusqu’ici, l’afflux de liquidité de ces dernières années est resté sans effet sur le niveau des prix car la liaison entre quantité de monnaie et inflation s’exerce par l’intermédiaire d’un troisième élément : la vitesse de circulation de la monnaie. Or il se trouve que depuis le début du siècle la vitesse de circulation a enregistré dans le monde, et notamment dans la zone euro, une très forte baisse annulant l’effet inflationniste du surplus de liquidité.
Jusqu’ici, l’afflux de liquidité de ces dernières années est resté sans effet sur le niveau des prix car la liaison entre quantité de monnaie et inflation s’exerce par l’intermédiaire d’un troisième élément : la vitesse de circulation de la monnaie. Or il se trouve que depuis le début du siècle la vitesse de circulation a enregistré dans le monde, et notamment dans la zone euro, une très forte baisse annulant l’effet inflationniste du surplus de liquidité.
“ L’état d’esprit de toute une société dans
des domaines tels que les prix, les salaires, la liquidité monétaire,
l’épargne, l’endettement etc. constitue un tissu de relations
relativement stables dans le temps, une sorte de logiciel monétaire qui
s’impose pour une période pouvant atteindre plusieurs générations”
L’expérience constante du siècle précédent qui avait été érigée en
principe par beaucoup d’économistes et de banques centrales est qu’il
existe une tendance naturelle de la vitesse de circulation à revenir à
son niveau habituel en déclenchant une hausse des prix. L’application
systématique de ce schéma classique amène logiquement à proscrire toute
augmentation marquée de la création monétaire. Une telle vision est
encore largement répandue en Allemagne ce qui explique la position
rigoureuse de la Bundesbank en la matière. Or ce raisonnement,
apparemment convaincant au regard du passé, recèle une faille qui
apparaît lorsqu’on prend suffisamment de recul dans le temps.
On voit alors que sur très longue période, l’évolution monétaire
s’inscrit dans un tableau très général caractérisé par un certain
paradigme qui traduit l’ensemble des réactions des agents économiques
devant le phénomène monétaire. L’état d’esprit de toute une société dans
des domaines tels que les prix, les salaires, la liquidité monétaire,
l’épargne, l’endettement etc. constitue un tissu de relations
relativement stables dans le temps, une sorte de logiciel monétaire qui
s’impose pour une période pouvant atteindre plusieurs générations. Or de
loin en loin on voit changer cette toile de fond : un nouveau paradigme
vient alors marquer une nouvelle époque.
Nouvelle époque, nouveau paradigme
Ainsi la tendance naturelle de l’économie, après une fin du XVIIIème
siècle particulièrement troublée, est revenue pendant tout le XIXème à
une grande stabilité sous le régime de l’étalon-or et cela jusqu’à la
Première Guerre Mondiale. Après celle-ci débute une longue période
généralement inflationniste (à la seule exception de la grande crise des
années trente), tendance encore fortement accrue après la Deuxième
Guerre Mondiale. Or bien des indices montrent aujourd’hui qu’une
nouvelle époque aux caractères profondément différents est en train
d’émerger depuis le début du siècle présent. Contrairement aux
différents cycles de longueur variable qui affectent l’économie avec une
certaine régularité, une fois de plus, c’est par un choc exogène que
s’effectue le changement de tableau : après la remise en ordre monétaire
du premier empire, puis l’arrivée d’un siècle inflationniste à la suite
des deux Guerres Mondiales c’est sans doute le trouble profond apporté à
l’économie par le tsunami de la globalisation qui semble marquer une
nouvelle époque de l’histoire économique associée à un fonctionnement
différent de l’appareil monétaire.
L’hibernation des prix et des salaires dans les pays développés en
dépit des efforts des autorités monétaires ainsi que le freinage général
de la croissance potentielle à long terme modifie profondément le
paysage économique et l’on voit réapparaître à certains moments des
craintes de déflation difficilement conjurées par d’énergiques
interventions. Le paradigme monétaire associé à une telle situation s’en
trouve évidement modifié de sorte que la pente naturelle vers
l’inflation a pratiquement disparu dans les pays développés.
“Bien des indices convergents montrent,
semble-t-il, que nous soyons probablement entrés avec le XXIème siècle
dans une longue période de relatif refroidissement économique,
correspondant notamment à un effort de désendettement”
La cohérence du système est assurée par la baisse de la vitesse de
circulation de la monnaie. Bien des indices convergents montrent,
semble-t-il, que nous soyons probablement entrés avec le XXIème siècle
dans une longue période de relatif refroidissement économique,
correspondant notamment à un effort de désendettement. Au plan
monétaire, on peut penser que la très forte baisse de la vitesse de
circulation de la monnaie, loin d’être une anomalie temporaire, se
révélera une réalité durable.
On prendra alors l’habitude de vivre avec des actifs monétaires
d’autant plus abondants que la lutte contre la menace de déflation
continuera d’alimenter la création de monnaie. La probabilité de voir
s’établir pour longtemps un tel tableau puise sa source dans le
caractère durable des raisons qui expliquent ce changement de paradigme.
La globalisation, après une forte accélération depuis une trentaine
d’années est bien loin encore d’avoir produit tous ses effets sur la
concurrence. Celle-ci continuera sans doute longtemps d’exercer une
pression sur les économies anciennement développées, du fait des
frottements inévitables dans un appareil économique en mutation qui
s’accompagne nécessairement de chômage et pèse sur les salaires et les
prix. Non seulement il reste à développer des pans immenses de la
planète mais en outre, passé le premier stade de la mise en valeur des
pays neufs, leur concurrence affichera progressivement une montée en
gamme qui la rendra d’autant plus sévère sur les vieux pays
industrialisés.
Des avantages certains sur le plan financier pour les Etats
La nouvelle page qui s’est ouverte au début de ce siècle dans
l’histoire du développement économique et le logiciel monétaire qui lui
est associé donnent à première vue une image plutôt grise : celle d’un
monde appliqué à réduire ses déséquilibre au prix d’une croissance
ralentie et cela dans le cadre de relations monétaires nouvelles. Certes
la perspective d’un chemin plus difficile vers la croissance, surtout
dans les pays les plus anciennement développés comme en Europe, n’est
guère enthousiasmante mais il faut sans doute se garder d’un jugement
trop négatif. D’abord, dans le domaine de l’économie réelle, un progrès
moindre peut être encore substantiel comme le démontrent les États-Unis,
pourvu que soient faites les réformes de structure qui s’imposent.
De plus, au plan financier, les traits nouveaux de l’appareil
monétaire présentent certains avantages. On a vu plus haut que les
changements intervenus dans le tissu des relations entre paramètres
monétaires donnent plus de latitude dans le jeu de la liquidité, et
renforçent ainsi les moyens d’action des banques centrales puisque l’on
voit s’éloigner des risques d’accident comme l’éclatement de bulles de
liquidité. D’autre part la nouvelle configuration de l’appareil
monétaire, en promettant une très longue période de taux d’intérêts très
bas pourrait permettre d’aborder dans de meilleures conditions le
problème explosif du surendettement souverain, notamment dans une partie
de la zone euro.
“La nouvelle configuration de l’appareil
monétaire, en promettant une très longue période de taux d’intérêts très
bas pourrait permettre d’aborder dans de meilleures conditions le
problème explosif du surendettement souverain”
Pour apprécier pleinement l’avantage décisif que constitue dans la
gestion du surendettement un niveau très bas des taux, il est bon de
rappeler que l’expression couramment employée de "remboursement de la
dette" est trompeuse et ne correspond à aucune réalité. Le remboursement
de tout ou partie de l’ensemble de la dette d’un État ne s’est jamais
produit et constitue d’ailleurs en soi un non-sens économique puisqu’il
exercerait un puissant effet déflationniste. Ce qui est remboursé en
situation normale ce sont des emprunts particuliers mais l’opération est
immédiatement couverte par un refinancement sur le marché. Maîtriser
une dette ne signifie pas la rembourser mais en servir facilement les
intérêts ce qui, inspirant confiance, assure un refinancement aisé des
échéances sur le marché. Le niveau des taux est donc un paramètre
essentiel dans le cas de surendettement.[...]»
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