sexta-feira, 29 de maio de 2015

Le problème de la zone euro, ce n’est pas l'Euro, c'est l'Union européenne

«L’Union européenne à vingt-huit États périra si elle reste à mi-chemin. Et avec elle la zone euro, dont l’imbrication avec les mécanismes de l’Union est inextricable.

Hollande et Merkel

La monnaie unique doit tout à la volonté politique. Le paradoxe d’aujourd’hui est qu’elle doit tout à la finance – c’est elle qui compense le recul de l’intégration économique entre les États. Il n’y a plus que la BCE pour tenir à bout de bras le mécano de l'euro. C’est pour cette raison que les marchés financiers ne bronchent pas ; entre gens du même milieu on se fait confiance. Ce deal aurait tout pour durer si le soubassement indispensable à la zone euro, l’Union européenne, n’était en train de se lézarder. Le danger arrive d’où on ne l’attendait pas.

Les deux blocages de l’UE

Au moment où la finance pensait avoir mis entre parenthèses la question politique, celle-ci revient en quelque sorte par le sous-sol. On ne se débarrasse pas facilement des défaillances institutionnelles. Pourtant, le banquier central croyait en sa martingale. D’un côté, il incite les politiques à bouger en répétant sans cesse que “la politique monétaire ne peut pas tout”. De l’autre, grâce à la distribution mensuelle de 60 milliards d'euros dans les circuits bancaires, la BCE accorde du “temps” à la zone euro. Avec ce dispositif, même une faillite grecque peut être absorbée sans trop de dégâts ! Las, le blocage est à deux niveaux.

“Ce deal aurait tout pour durer si le soubassement indispensable à la zone euro, l’Union européenne, n’était en train de se lézarder.”

Le premier était prévisible. Les leaders européens, le Français en tête, préfèrent se congratuler en écoutant la brise de la reprise plutôt que d’avancer les pions vers une forme ou une autre de solidarité. Même si les analystes sont unanimes : sans la création d’une capacité budgétaire autonome de l’ordre de 10 % du PIB corrigeant les déséquilibres entre zones géographiques, il sera impossible d’éviter à plus ou moins long terme l’explosion de l'euro. Chacun le sait, mais chacun redoute dans son pays le réflexe souverainiste.

Le deuxième blocage a tout du tsunami. Les fondements de l’Union européenne sont ébranlés à la suite d’une série d’événements encore souterrains. Il y a un possible départ de l’Angleterre et une immigration non maîtrisée qui va relancer le vote populiste. Il y a surtout la compréhension que sans la création d’un État-nation réellement européen, en tout cas sans un vrai fédéralisme, la légitimité démocratique ne fonctionne pas. L’Union européenne à vingt-huit États périra si elle reste à mi-chemin. Et avec elle la zone euro, dont l’imbrication avec les mécanismes de l’Union est inextricable.

Les succès de l’intégration financière

Pourquoi “la finance” sauve actuellement l'euro ? Parce que son action masque l’accroissement des divergences économiques au sein de la zone. La meilleure preuve en est que les taux d’intérêt sur les dettes publiques des 18 États membres (Athènes mis à part) sont fortement resserrés. Une fois encore, les pays périphériques bénéficient sur les marchés d’un coût de l’argent sans commune mesure avec leur situation réelle. Les gouvernements grecs en leur temps avaient utilisé ce crédit bon marché – celui du Bund – pour emprunter et embaucher à tour de bras des clientèles de fonctionnaires. On connaît la suite. Aujourd’hui, il n’y a rien de naturel à ce que le prix de l’argent pour la dette publique de l’Espagne, de l’Italie ou du Portugal soit inférieur au taux d’intérêt payé par les États-Unis pour leurs propres bons du Trésor. Le “quantitative Easing” de la BCE (déversement de liquidités par achat de dettes souveraines auprès des banques) y est bien sûr pour beaucoup.

La zone euro “côté finance” aligne aussi d’autres instruments à vocation fédérale. Le MES (Mécanisme européen de stabilité) est doté d’une force de frappe de quelque 500 milliards d'euros qui peut jouer au pompier volant en cas de mouvements erratiques sur le front des dettes publiques – même si les modalités d’intervention mériteraient d’être clarifiées. L’Union bancaire, qui prévoit à la fois la surveillance des grandes banques et des procédures coupe-feu dans l’hypothèse de faillites, est également un outil puissant qui monte graduellement en action. C’est de la dissuasion intelligente face à une spéculation ponctuelle, mais pas face à une crise systémique.

“sans la création d’une capacité budgétaire autonome de l’ordre de 10 % du PIB corrigeant les déséquilibres entre zones géographiques, il sera impossible d’éviter à plus ou moins long terme l’explosion de l’euro”

De plus, la BCE veille à alimenter les banques de la zone euro en liquidités pour éviter les pannes de secteur. À ce jour, elle assure toujours ce rôle à l’égard des banques grecques qui voient leurs dépôts se réduire comme peau de chagrin. L'euro “grec” part en Allemagne ! Cette mission de la BCE, très discrète, est essentielle au maintien de l’homogénéité de la zone euro. Le 27 avril, la BCE se délivrait d’ailleurs un autosatisfecit : “l’intégration financière de la zone euro a connu une amélioration régulière, atteignant un niveau proche de celui observé avant la crise de la dette souveraine”. Heureusement.

Les revers d’une économie non coopérative


Car au plan économique, les équilibres “non coopératifs” restent la règle. L’épargne du Nord continue de refuser d’aller s’investir au Sud. Les immenses excédents de paiements courants allemands sont un facteur de désordre pour l’ensemble de l’union monétaire. À la périphérie, l’austérité budgétaire a certes permis de corriger les déficits extérieurs les plus graves. Sauf en France, puisque Paris a laissé filer ses déficits. Par ailleurs, la guerre des coûts salariaux, la course à la compétitivité, a débouché sur une baisse du pouvoir d’achat des salariés dans un jeu à somme nulle. Les parts de marché sont prises sur le voisin sans surplus collectif. Les opinions publiques ont conclu à l’échec. D’où les succès électoraux de Podemos en Espagne ou de Syriza en Grèce.

“Aujourd’hui, il n’y a rien de naturel à ce que le prix de l’argent pour la dette publique de l’Espagne, de l’Italie ou du Portugal soit inférieur au taux d’intérêt payé par les États-Unis pour leurs propres bons du Trésor”

Les remèdes sont connus. Dans le ‘Rapport Schuman 2015’, Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation éponyme, les énumère. Relevons : “une harmonisation progressive des fiscalités et des charges qui pèsent sur le travail créerait les conditions d’un retour de la confiance”. Et d’ajouter : “de telles décisions exigent des leaders à la hauteur des enjeux. Il nous reste à les trouver”. ‘Le Monde’ daté du 26 mai dévoile qu’Angela Merkel et François Hollande ont une feuille de route qui va dans ce sens. Il s’agirait de quatre domaines d’action, dont la convergence fiscale et sociale. À développer “dans le cadre des traités actuels”, est-il indiqué. Aucun examen du cadre institutionnel n’est envisagé avant fin 2016.

L’erreur de Hollande et Merkel


Une fois de plus, la tentative de rénovation européenne est tuée dans l’œuf par erreur de construction. La Chancelière ne veut rien toucher aux traités de peur d’officialiser un peu plus le laxisme monétaire et budgétaire. Le président de la République ne veut pas bouger non plus de peur de réveiller “pré-électoralement” les frondeurs de son camp. Résultat : Berlin et Paris ferment la porte à David Cameron qui réclame, pour garder son ancrage dans l’Union, de vraies évolutions nécessitant de vraies modifications des traités.

C’est un égarement historique. Les Anglais ont un sens du pragmatisme dont le camp euro pourrait tirer le plus grand bénéfice. Pas seulement pour les propositions de Cameron sur les aides sociales ou l’immigration. Mais parce que la survie de l’euro passe par celle d’une Union européenne débureaucratisée et efficace.

“Berlin et Paris ferment la porte à David Cameron qui réclame, pour garder son ancrage dans l’Union, de vraies évolutions nécessitant de vraies modifications des traités.
C’est un égarement historique”

Quelle est la situation des Vingt-Huit ? Par traité, le Danemark et le Royaume-Uni échappent à l’obligation de rejoindre l’euro. Dix-neuf États sont actuellement adhérents à la zone. Sept autres États, dont la Suède et la Pologne, sont tenus par traité, selon un calendrier variable, d’intégrer eux aussi la zone. C’est dire que pour des années encore, le système sera bancal. Pour changer par exemple la fiscalité de la zone euro, ce sont les règles de l’unanimité au niveau des Vingt-Huit de l’Union qui s’appliquent. C’est ingérable.
Il y a d’autant plus urgence que les facteurs de dislocation des Vingt-Huit se multiplient. La Hongrie de Victor Orban se détache sur le plan des valeurs. La Grèce sur le plan financier. L’Angleterre, peut-être, sur tous les plans. L’opinion, elle, se rapproche du camp nationaliste dans certains pays, et de la gauche radicale dans d’autres. Il n’y a même pas de front commun militaire contre la menace terroriste.[...]»

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