«La Chine est en train de tenter quelque chose de nouveau pour
renforcer son attraction. On parle de “médecine chinoise”. Vous pouvez
ne pas savoir comment elle fonctionne, mais cela ne signifie pas qu’elle
n’aura pas d’effets.
Zhu Guangyao,
vice-ministre des Finances chinois, à Washington le 17 avril 2015,
explique que la proposition chinoise de l’AIIB est ouverte aux États non
asiatiques.
Quand il s’agit de promesses d’investissement, 46 milliards est une
somme qui retient vraiment l’attention. C’est la somme que la Chine
devrait injecter dans des projets pour l’énergie et les infrastructures
au Pakistan, selon des plans dévoilés durant la visite, le mois dernier,
du président chinois Xi Jingping à Islamabad. Les délégués présents
lors de la réunion annuelle de la Banque de développement asiatique à
Bakou, en Azerbaijan, cette semaine, ne parlaient de rien d’autre. La
BDA, gérée historiquement par le Japon, ne peut rêver d’une telle
puissance de feu. La semaine dernière, elle a prêté environ 13 milliards
de dollars en Asie.
C’est facile, bien sûr, de faire de belles et grandes promesses. Les
promesses de Pékin au Pakistan qui, entre autres choses, permettraient
de résoudre la pénurie chronique d’électricité en doublant la capacité
nationale, peuvent ne jamais voir le jour (pour le dire d’une autre
manière, la lumière pourrait ne jamais s’allumer). Cependant, même si
une fraction seulement des sommes dont on parle se transforme
effectivement en routes, trains et centrales électriques, Pékin fera
étalage de sa formidable puissance économique.
Le pari de la Chine, qui veut élargir son influence, va bien au-delà
du Pakistan. Elle met sur pied la Banque d’investissement pour les
infrastructures en Asie (AIIB), une concurrente de l’ADB (Asian
Development Bank), avec un capital de départ d’au moins 50 milliards de
dollars. Le projet “Une ceinture, une route” de Pékin, qui souhaite
améliorer les liaisons routières et maritimes entre la Chine de l’Ouest
et l’Europe et l’Afrique du Nord à travers l’Asie, se transforme peu à
peu du rêve au béton (beaucoup de béton). Pour commencer, Pékin a puisé
dans ses considérables réserves de devises pour en tirer une poignée de
petite monnaie : 62 milliards de dollars.
L’attitude de la Chine, qui inonde les marchés de cash, marque une
nouvelle ère de sa diplomatie. Mais appeler cela ‘soft power’ pourrait
être une erreur de terminologie. Ce régime autoritaire n’exerce toujours
pas en effet l’attraction qu’il aimerait avoir. Même si bien des pays
où la Chine souhaite investir ne sont pas eux-mêmes des modèles de
démocratie.
La définition du soft power donné par Joseph Nye, le professeur de
Harvard qui a inventé l’expression, est “la capacité à obtenir ce que
l’on souhaite par l’attraction et la persuasion plutôt que par la force
ou l’argent”. Ces milliards de dollars ressemblent pourtant bien à de
l’argent. Mais les prêts et les investissements ne sont pas des
pots-de-vin. Le soft power des États-Unis, comme Hollywood et
l’attraction exercée par de nobles idéaux, a été porté par des
institutions telles que le FMI et la Banque mondiale, qui ont répandu la
conception du capitalisme de Washington, et ouvert des marchés
étrangers aux multinationales américaines.
“L’attitude de la Chine, qui inonde les marchés
de cash, marque une nouvelle ère de sa diplomatie. Mais appeler cela
‘soft power’ pourrait être une erreur de terminologie. Ce régime
autoritaire n’exerce toujours pas en effet l’attraction qu’il aimerait
avoir”
Qu’il faille parler de soft power ou non, la Chine est en train de
tenter quelque chose de nouveau. Un délégué chinois à Bakou parle de
“médecine chinoise”. Vous pouvez ne pas savoir comment elle fonctionne,
mais cela ne signifie pas qu’elle n’aura pas d’effets. Cette stratégie
de Pékin est motivée en partie par les limites de sa diplomatie
traditionnelle. La montée en puissance de l’armée chinoise et ses
revendications dans des différends territoriaux ont irrité ses voisins.
Scott Kennedy et David Parker, du Centre pour les études
internationales stratégiques, reconnaissent le potentiel de la nouvelle
stratégie d’influence chinoise. Le programme “Une ceinture, une route”,
selon eux, peut “ancrer des modèles de commerce, d’investissement et
d’infrastructures sino-centriques” et renforcer l’influence diplomatique
de Pékin.
Le cas de la banque AIIB n’est pas à très loin non plus du soft
power. Le Royaume-Uni s’est senti obligé d’y participer, en dépit des
pressions contraires de Washington. Bien entendu, Londres a pu être
motivé au moins en partie par la perspective de bénéfices financiers
pour les entreprises britanniques. Mais ce n’est pas l’unique raison. En
tout, 57 pays s’y sont joints.
Bien entendu, il y a des risques. Lancer de grands projets dans des
pays étrangers ne va pas forcément plaire. Au Sri Lanka, la présence
suffocante de la Chine a été l’une des raisons de la défaite électorale
spectaculaire de Mahinda Rajapaksa, le président qui avait ouvertement
courtisé la Chine. Même les généraux qui dirigent le Myanmar se sont
lassés de ce qu’ils voient comme un capitalisme chinois d’extraction et
d’exploitation.[...]»
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