sexta-feira, 1 de maio de 2015

La future humanité des transhumanistes | i-mortalité : pour le meilleur ou pour le pire

«En voulant tuer la mort, les transhumanistes vont provoquer un formidable débat de société qui interpelle en premier lieu les politiques

transhumanisme


Le phénomène est en train de basculer de chimères de futurologues insensés, créatifs et isolés, en mouvement de pensée structuré, résolu et prosélyte. Les transhumanistes fabriquent avec radicalité, l’une des espérances la plus mythique de la condition humaine : son immortalité, ou du moins l’allongement de la vie dans des proportions considérables. “L’homme qui vivra 1 000 ans est sans doute né” prévoit le docteur Laurent Alexandre, auteur de ‘La Mort de la mort’. Il étaye son étonnante affirmation par les progrès accélérés de technologies convergentes comme la génomique et les thérapies géniques, la nano-médecine réparatrice, et l’hybridation de l’homme avec la machine, afin d’en faire non plus un homme réparé, mais augmenté.

Ce n’est certainement pas une science, ni une philosophie, mais un courant de pensée hybride se nourrissant des deux. Pour enfanter quelle créature ?

Ses objectifs, limpides, affichés – repousser largement les limites de la vie – ne s’alimentent plus de croyances, fantasmes et supputations irrationnelles, mais au contraire de la rationalité des fameuses NBIC, cette convergence entre les nanotechnologies, la biologie, l’informatique et les sciences cognitives. Savoirs aujourd’hui éclatés, divers, et dont les synergies dessinent ces perspectives aux allures d’immortalité. Depuis des décennies, des mouvements de pensée alimentent leurs réflexions, qui viennent de passer subitement d’une improbable santé fiction à cette assurance de vitalité future. Aux promesses encore incertaines quoique tangibles de cette humanité bouleversée. Le seul levier de ces nouvelles technologies conjuguées impacte la plupart des dimensions de la société : éthique, morale, sociale, économique. Seuls les initiés partisans du transhumanisme travaillent actuellement sur ce devenir qui nous concerne pourtant tous. Vision révolutionnaire : refaçonner l’être humain, améliorer ses performances annoncent une véritable renaissance en rupture avec tous les modes de traitement usuels de la santé. Il devrait déboucher – pari insensé de ses sponsors – sur l’immortalité. La feuille de route des nano diagnostics en développement dans le laboratoire secret de Google X Life sciences. Tandis qu’Apple propose déjà ses "Health Kits" préventifs.

Depuis l’antiquité, ce mythe de l’immortalité a fait travailler l’imagination des hommes. De l’élixir de longue vie à la fontaine de jouvence, nombreuses furent les recherches chimériques passant par cette quête du divin. Ensuite, de Condorcet au surhomme de Nietzsche, en passant allègrement par les envies de Benjamin Franklin ou les spéculations d’Aldous Huxley et son ‘Meilleur des mondes’, les talents se multiplièrent pour contrer l’implacable fatalité.

Audacieuses réflexions isolées qui longtemps restèrent aux marges. Améliorer la qualité des humains, comme ils le font des produits, demeura donc au rang des ambitions imaginaires. Jusqu’au jour où l’intelligence artificielle obtint de meilleurs résultats que sa version humaine, comme le prouva ce méga-ordinateur battant des champions d’échecs. Timide début.

La doctrine transhumaniste


Depuis, ce qui pouvait laisser penser à des élucubrations isolées s’est transformé en prémisses de réalités de plus en plus largement partagées : les potentialités de la e-santé et des nano-médicaments, de la biologie, comme le séquençage de l’ADN d’un individu – décodage des milliards d’informations de son patrimoine génétique – dont les coûts se sont effondrés, vont permettre de lutter de façon préventive contre le vieillissement. De là à tuer la mort… et à se prendre pour Dieu ! Sur les campus californiens, ces multiples perspectives se sont coagulées au début des années 80 en mouvement de pensée. La doctrine transhumaniste prend corps. 2002, une déclaration en formalise les intentions : c’est “le mouvement culturel et intellectuel qui affirme qu’il est possible et désirable d’améliorer fondamentalement la condition humaine par l’usage de la raison, en particulier en développant et diffusant largement les techniques visant à éliminer le vieillissement et à améliorer de manière significative les capacités intellectuelles, physiques et psychologies de l’être humain”. Ces intentions permettent de ratisser large, de la droite libertarienne à la gauche libérale, grâce à des idéaux… humanistes, puisqu’il est bien question d’éradiquer la maladie, la pauvreté et le handicap, sans oublier les ravages de la vieillesse.

Le clivage conservateurs-progressistes


L’accélération des progrès de la techno-médecine et la surenchère sur les performances prévues sollicitent l’imagination de théoriciens aux prises avec de formidables problématiques éthiques : comment piloter cette transformation délibérée d’humains qui n’ont connu jusque-là que l’évolution naturelle ? Les avancées ultra-rapides des NBIC, leurs promesses d’un homme transformé, augmenté, perfectionné, et surtout guéri de son obsolescence programmée, sont superbement clivantes, opposant les conservateurs de tous bords aux progressistes.

Les transhumanistes eux-mêmes, puissamment matérialistes, se divisent en multiples chapelles, certaines intégrant une spiritualité laïque dans leur idéologie, d’autres se réclamant de mouvements religieux. Certains sont persuadés que l’on parviendra non seulement à améliorer le système nerveux grâce à la cognitique, voire à hybrider certaines fonctions, mais surtout à changer la conscience d’un individu… voire son âme. Une dynamique est puissamment en marche. Aux États-Unis, Barack Obama a nommé le généticien Francis Collins à la tête des NIH (National Institute of Health), ces instituts de la santé dotés d’un budget annuel de 30 milliards de dollars.

Du côté du privé, des acteurs comme Google, l’un des sponsors majeurs de ce courant de pensée, investissent massivement afin de faire muter ces techno-utopies virtuelles en supra-réalités tangibles. À ce jeu, l’interdisciplinarité, qui est la dominante des universités et de la recherche anglo-saxonnes, donne quelques atouts d’avance à ces jeunes acteurs, alors que les puits de savoirs en silo et l’hyperspécialisation de l’université française ne la favorisent pas dans cette course contre la vieillesse.

Les artisans de ce “surnaturel” aux formidables enjeux, ces pionniers qui font désormais florès sous toutes les latitudes, s’engagent dans des approches interdisciplinaires pour comprendre et évaluer les possibilités de dépasser les limitations biologiques. Vaste dessein. Dont le généticien Laurent Alexandre donne quelques exemples dans son ouvrage ‘La mort de la mort’ : “La génomique permettra de systématiser la culture des cellules-souches – véritables cellules de jouvence – à des fins régénératrices. La science va nous permettre de prendre en main notre destin et il paraît peu prévisible qu’un mouvement collectif puisse empêcher cette évolution fondamentale”.

Certes, mais se pencher d’ores et déjà sur cette boîte de Pandore donne le vertige, tant les possibles dynamitent l’existant. Non sans risque. Cette multiplication des transgressions biologiques, comme la demande de techno-médecine, vont submerger la démocratie, sans que cette évolution s’accompagne d’une amélioration de la sagesse. Il n’est pas prévu de la fournir en kit dans le package de ce nouvel homme bricolé ! Le premier cœur artificiel, Carmat, est français, mais la réappropriation des nanotechnologies par les Américains fait déjà passer les visions “révolutionnaires” des transhumanistes en quasi-révolution industrielle. En 2013, Google créait sa filiale dédiée à la génétique, Calico.

Changement de paradigme


Après les séismes de la fracture numérique, le tsunami de la fracture génétique va non seulement opposer violemment les bio-progressistes aux bio-conservateurs, mais surtout radicalement interpeller deux acteurs majeurs de la vie de la société : les médecins et les politiques. Les premiers courent le risque de se voir court-circuités par des bataillons de robots alimentés par des batteries d’objets connectés, palpeurs et autres instruments d’analyse. “Le séquençage ADN d’une tumeur, ce sont 20 000 milliards d’informations. Aucun médecin ne peut traiter autant de données. C’est aussi pour cela que les médecins vont se retrouver marginalisés. Ils seront remplacés par des machines” prévoit Laurent Alexandre.

Évoquer les légitimes inquiétudes du corps médical est un peu court si ces considérations ne s’accompagnent pas en amont d’un débat autrement plus vaste, aux considérants éthiques, moraux, économiques et sociaux, que devront bien affronter les politiques. Auront-ils la maîtrise de cette santé dont les producteurs risquent d’être des mastodontes transfrontières ? Vont-ils autoriser le clonage humain que l’on voit pointer à l’horizon ?

Ou auront-ils la possibilité de l’interdire ? Le lobby transhumaniste est actuellement puissant, organisé, en phase de développement. Est-il donc possible de lui confier en toute tranquillité les clés de ce futur qui pourrait aussi virer au cauchemar ? Surpopulation, famines, épidémies incontrôlées, clivages intenses entre les humains augmentés et les autres.

Avec des risques de “racisme” des “posthumains” pour les simples humains, et de farouches inégalités devant des soins coûteux. Cette “new humanité” qui fait le deuil des pathologies lance de formidables défis. Et la faiblesse actuelle de l’Europe dans ces technologies convergentes du vivant – bientôt la première industrie mondiale – tout comme dans sa démographie ne la place pas en position favorable dans cette course. Changement de paradigme. Imposé, subi ou construit. “Le TGV de la révolution des NBIC est parti, on ne peut en descendre…” observe Laurent Alexandre qui s’interroge sur cette biopolitique qui reste à inventer. Comme cette humanité 2.0 sur laquelle travaillent déjà de nombreux cerveaux.[...]»

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