«Le capitalisme, qui tend à privatiser tout ce qui est nécessaire à la
vie humaine – ressources naturelles, savoirs, gènes, etc. – afin d’en
tirer profit, peut-il encore être contenu ? Pierre Dardot, philosophe,
et Christian Laval, sociologue, observent la montée en puissance de
pratiques collectives le mettant en échec. Parfois anciennes, parfois
nouvelles, elles gèrent un bien, social, économique, culturel,
environnemental, sans faire appel ni à la propriété privée, ni au
marché, ni à l’État et à ses services publics. Exemples : la gestion de
l’irrigation par des agriculteurs, telle que l’étudia en son temps
l’économiste Elinor Ostrom, ou encore l’encyclopédie en ligne Wikipédia.
Cependant P. Dardot et C. Laval mettent en garde contre une lutte
anticapitaliste qui se contenterait d’imposer par le droit
l’inaliénabilité de tel ou tel bien. Il ne suffit pas, par exemple, de
refuser la privatisation de la gestion de l’eau et de s’en remettre au
service public : il faut inventer une gestion de l’eau vraiment
démocratique par ses producteurs et ses consommateurs, car seule
celle-ci se révélera irréversible. Le « commun » à instituer est donc
une institution au sens sociologique du terme.
Les auteurs consacrent
l’essentiel de leur démonstration à enfoncer ce clou unique : le commun
du 21e siècle ne doit pas être pensé de manière juridique et étatique,
mais de manière sociologique, dynamique et sociétale. Ils rejoignent
ainsi les conceptions conseillistes, autogestionnaires, anarchistes du
19e et du 20e siècle, et s’opposent comme elles à l’idée d’un droit ou
d’un État capable d’incarner le bien commun de la société. Cependant,
leur conception « néoconseilliste » ignore les contraintes de temps et
de motivation de chacun d’entre nous, fort différentes selon les
individus. Ainsi, vu le nombre de biens qui représentent – dans le cadre
de la division locale, nationale et mondiale du travail – les
ingrédients
de notre bonheur, il paraît illusoire de participer
à tout
ce qui nous concerne. Il nous faudra donc déléguer, avec les risques
que cela comporte. Or P. Dardot et C. Laval font mine de croire qu’à
terme, on pourrait gérer toutes les activités humaines comme
des
réunions de copropriétaires.
Le temps et l’énergie
nous manqueront
sans doute.
Par ailleurs, la révolution « par le bas » qu’ils
appellent de leurs vœux pour le 21e siècle ne peut guère espérer
triompher si l’État ou les organisations internationales lui font
obstacle. Il est vrai
que la conquête de
ces pouvoirs-là par les
partisans de la « révolution du 21e siècle » paraît sans doute si peu
probable aux auteurs qu’ils préfèrent éluder le sujet.[...]»
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