quarta-feira, 3 de dezembro de 2014

Gauche, droite : une question de personnalité ?

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«Notre personnalité intervient-elle dans notre orientation politique ? Électeurs de gauche et de droite interprètent-ils différemment le monde qui les entoure ? Autant de questions qui appellent des réponses complexes.

Existe-t-il des personnalités typiquement de droite ou à l’inverse typiquement de gauche ? Par exemple, les premières sont-elles plus individualistes, les secondes plus altruistes ?



Avec les caractères tels que posés, je ne le pense pas. Il peut y avoir des individualistes ou des altruistes dans tous les camps politiques. Néanmoins, l’idée d’un lien entre psychologie et orientation politique n’est pas stupide, et plusieurs expériences ont mis en évidence certaines corrélations. Dans les années 1960, Milton Rokeach a ainsi voulu bâtir une échelle de dogmatisme, via le test « Open and closed mind ». Mais elle n’était pas reliée aux appartenances politiques. Il estimait pae ailleurs qu’il y avait deux orientations de base possibles chez l’individu, l’une privilégiant la liberté, l’autre l’égalité. La première orientation se retrouvait chez les individus issus de mouvements proches de la droite, la seconde chez ceux des mouvements proches de la gauche. Plus intéressant, dans les années 1980, le psychologue Philip E. Tetlock s’est attaché à faire le lien entre choix politique et « complexité de pensée ». Selon lui, certains d’entre nous pensent les événements en termes assez déterminés : une cause produit des effets. Ils estiment qu’il est possible d’intervenir sur les effets en agissant sur la cause. D’autres individus appréhendent la réalité en des termes plus complexes, évoquant des causes multiples, percevant des interactions entre plusieurs phénomènes. Or, d’après P.E. Tetlock, les individus de gauche révèlent davantage de complexité de pensée que les individus de droite. Le bémol est que la complexité de pensée diminue en passant de la gauche à l’extrême gauche. Autre bémol, la complexité de pensée repérable chez les individus de gauche est visible en matière sociale, économique, mais disparaît sur des questions civiles, de sécurité. Les choses ne sont donc pas si simples. De manière générale, je suis prudent quant au fait de lier personnalité et choix politiques.


Les déterminismes du vote seraient alors davantage d’ordre sociologique que psychologique…



Oui, la sociologie montre que les conditions sociales peuvent orienter les choix politiques. Quant à la personnalité, il faudrait voir ce que l’on met dedans et il me semble difficile d’imaginer qu’elle puisse à elle seule déterminer nos choix, qu’ils soient politiques, religieux ou même professionnels. Je pense d’ailleurs que l’on pourrait aussi envisager la question dans l’autre sens. On tend fréquemment à conclure que ce sont les personnalités qui déterminent les choix politiques. Pourquoi ne serait-ce pas l’inverse ? Une fois qu’un individu a fait un choix politique, ne peut-il pas être amené à modifier certains aspects de sa personnalité, par les fréquentations que ce choix entraîne par exemple ? Cette personne ne serait-elle pas amenée à adapter sa personnalité à une ambiance générale, à une attente que l’on a d’elle dans son milieu social et politique ? La personnalité apparaît souvent comme « figée ». Or, les personnalités peuvent évoluer selon le contexte, les relations sociales, etc.


Électeurs de droite et électeurs de gauche interprètent-ils et expliquent-ils les faits de société, les faits divers, 
de la même manière ?



Des études montrent que les individus de gauche tendent à privilégier des explications d’ordre social, en termes de détermination par le milieu. Les personnes de droite privilégient plutôt des explications internes, plus psychologiques, en termes de responsabilité de l’acteur. S’agissant d’un acte de délinquance, les individus de droite auront une interprétation de l’acte impliquant plutôt le délinquant lui-même, sa supposée « perversion », la façon dont il a intégré ou non les normes sociales. Les individus de gauche investiront un type d’explications prenant en compte la condition sociale, familiale du délinquant, le contexte immédiat de l’acte commis.


Cependant, ces façons d’expliquer les événements ne sont pas inscrites dans la personnalité des individus. En témoigne une expérience dans laquelle il fut demandé à des enseignants d’évaluer des élèves en échec scolaire. Spontanément, les enseignants questionnés ont fourni des explications appelant à la responsabilité individuelle de l’élève : « devrait travailler plus », « ne fait pas assez d’efforts »… Mais si, avant qu’ils procèdent à l’évaluation, il est dit aux enseignants que leurs réponses seront consignées dans un bulletin syndical, deux types de réponses apparaissent : certains enseignants restent sur des explications d’ordre individuel, d’autres adoptent des explications soulignant par exemple l’origine sociale des parents. Ainsi, dès lors qu’il est placé dans un contexte « politique », l’individu se demande : « Vais-je être bien classé dans le bon groupe ? » Les divers types d’explications recensés chez les individus sont en fait inscrits dans la mémoire sociale. Si je veux être reconnu comme une personne de gauche/de droite, je vais donc puiser dans un certain type de vocabulaire pour bien affirmer mon appartenance politique. Les individus mobilisent – sans les maîtriser – ces vocabulaires sociaux pour faire jouer des processus identitaires.
[...]»

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