quinta-feira, 13 de novembro de 2014

Migration, économie, développement : trois idées reçues

«Idée reçue n°1 : L'émigration nuit au développement des pays de départ

Un médecin syrien exerçant dans un hôpital d’Île-de-France, un ingénieur en informatique sud-africain employé par une entreprise de la Silicon Valley. Ces exemples alimentent le mythe du brain drain, la fuite des cerveaux, qui voit dans la migration le transfert des compétences et des connaissances vers les pays du Nord, au détriment du développement des pays du Sud. Un mythe que relativisent aujourd’hui les économistes, pointant des effets de seuil. L’expatriation, montre ainsi l’économiste El Mouhoub Mouhoud, n’est dommageable au pays d’origine que si elle excède 15 à 20 % de la population. En dessous de ce seuil, l’exil d’une partie de sa population est profitable au pays d’origine. La notion de « brain drain » est alors supplantée par celle de « brain gain » ou de « brain circulation  » (circulation des cerveaux). Les migrants qualifiés ne « fuient » plus, ils circulent. Ils s’enrichissent de nouvelles compétences, forment des réseaux, et retournent parfois dans leur pays d’origine pour y créer des entreprises innovantes.
Certains pays comme la Chine n’hésitent pas à encourager les migrations. Elles constituent une stratégie de régulation des tensions sur le plan politique. Elles permettent aussi d’apporter au pays l’argent nécessaire à son développement à la faveur des transferts de fonds. Ces derniers, estimés à l’échelle mondiale à 100 milliards de dollars en 1995, ont triplé sur une période de vingt ans. En 2011, les transferts de fonds ont atteint 351 milliards de dollars, soit plus du triple de l’aide publique mondiale au développement. Ils devraient croître de 7,9 % en 2013 et de 8,4 % en 2014, selon les prévisions. La diaspora malienne en est un bon exemple. Les Maliens vivant en France envoient chaque année près de 180 millions d’euros au Mali. L’économiste Claire Lebarz explique : « Dans un pays dont trois ressortissants sur quatre ont un parent direct à l’étranger, la diaspora est en charge de pans entiers de certaines questions sociales, surtout en milieu rural : adduction d’eau, dispensaires, salles de classe, etc. » 

 Idée reçue n°2 : Plus un pays se developpe, moins ses habitants partent

Il n’y a aucune raison de partir d’un pays s’il se développe, serions-nous tentés de croire. L’histoire accrédite cette hypothèse, puisque les pays d’Europe du Sud – Italie, Espagne, Grèce et Portugal – ont vu leurs flux migratoires en direction du Nord de l’Europe décliner à mesure que leurs économies respectives se développaient. Au point que ces pays voient aujourd’hui affluer les immigrés en provenance du Maghreb. Pourtant, le développement d’un pays ne freine pas nécessairement les migrations. À court terme, il les accélère. En effet, le développement économique d’un pays entraîne généralement un déplacement de la population vers les villes. Plus urbanisée et scolarisée, une frange de la population nourrit l’espoir d’une vie meilleure, espoir qui alimente à son tour un désir d’exil. Apprendre une langue étrangère comme l’anglais, connaître les réseaux qui permettent l’accès aux pays d’accueil, prendre conscience des différences de niveaux de vie favorisent et facilitent alors le départ de nouveaux migrants. Ce n’est qu’à long terme, une fois de nouvelles perspectives ouvertes, que l’expatriation se tarit. Beaucoup de pays en développement, commente Catherine Wihtol de Wenden, « sont confrontés à la situation de l’Europe du XIXe siècle, où le décollage économique a provoqué un exode rural et une urbanisation massive, qui s’est souvent soldée par la migration à l’étranger (Italie, Royaume-Uni, Allemagne) ».
Si la migration et le développement économique s’autoentretiennent à court terme, ils ne sont pourtant pas la solution miracle l’un de l’autre. Seule la migration d’un pays du Sud vers un pays du Nord permet, par la différence des salaires, de tirer profit des transferts de fonds. Mais, rappelle C. Wihtol de Wenden, comme 60 % des flux migratoires ont lieu du Sud vers le Sud, ils n’entraînent aucun profit pour l’économie du pays d’origine.

 Idée reçue n°3 : L'immigration coûte cher au pays d'accueil

Responsable de la montée du chômage, l’immigration engendrerait la baisse des salaires et grèverait les budgets sociaux de l’État. Ces inquiétudes agitées comme un chiffon rouge par certains politiques sont-elles justifiées ? Pour les économistes Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, l’immigration n’a que peu d’effets sur les salaires et la courbe du chômage. « L’arrivée de nouveaux immigrés ne se traduit pas par un partage du travail entre autochtones et immigrés, comme on partagerait un gâteau en parts d’autant plus petites que le nombre de convives est grand », expliquent-ils. En effet, l’immigration n’augmente pas seulement le nombre de travailleurs sur le marché national, mais également le nombre de consommateurs de biens et de services, ce qui contribue à créer de l’emploi. Par ailleurs, les secteurs d’activité où sont employés les immigrés – bâtiment, nettoyage, restauration – sont distincts de ceux qu’occupent les nationaux. Les uns ne se substituent donc pas aux autres, mais se complètent. Si concurrence il y a, « elle s’exerce davantage entre anciennes et nouvelles vagues de migrants qu’entre migrants et natifs, précise El Mouhoub Mouhoud. Ainsi, dans les cités (françaises), un certain ressentiment pointe contre les “blédards”, Maghrébins récemment immigrés et en moyenne plus qualifiés que la seconde génération issue de la vague d’immigration précédente ». Une autre idée reçue consiste à considérer les immigrés comme des familles nombreuses de travailleurs peu qualifiés, qui alourdiraient les budgets sociaux en bénéficiant de nombreuses prestations sociales.[...]»

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