segunda-feira, 20 de abril de 2015

Anne Monjaret (dir.), « Le retournement des choses », Socio-anthropologie, n° 23, 2014


 Le retournement des choses
«1Le dossier de la revue Socio-anthropologie consacré au retournement des choses et dirigé par Anne Monjaret, réunit les contributions de dix-sept chercheurs et traite du changement de statut des choses. Il vise à élucider les mécanismes de conception d'un nouveau sens (la narration) et d'un nouvel usage (l’action) des choses.

2Le numéro s’ouvre sur une introduction de Anne Monjaret où elle explique qu’au cours de leur existence et jusqu'à leur disparition ultime, les choses rencontrent des phases de vie différentes et variées. Les auteurs de ce dossier se focalisent uniquement sur le moment du retournement qui marque le passage d’un lieu à l’autre, d’un statut à l’autre, d’une vie à l’autre. Leurs différentes contributions nous livrent une variété de possibles que recouvre la chose : cartons, cartes à jouer, bouteilles, fripes, poupées votives, papiers… Mais, qu’est ce qu’une « chose » ? La coordinatrice du dossier la définit comme toute entité abstraite, ce que l’on ne peut ou ne veut nommer. Elle est un objet concret indéterminé. Elle n’exclut donc pas la pensée autour de l’objet, bien au contraire, elle l’intègre.

3Nous avons décidé d’établir notre compte rendu en se basant sur les points communs qui ressortent des différents textes : retournement par changement de lieu, retournement par le regard, retournement par travail physique, intégration de la collection d’un musée.

4En effet, plusieurs contributions traitent du lieu comme indice de passage de la chose d’un lieu à un autre qui est en soi une confirmation d’un changement de statut des choses. C’est ainsi que Manuel Charpy signale le retournement par le marché de la seconde main où les objets ont une seconde vie, où ils subissent une transformation, une conversion, un retournement à la fois sur le plan social et matériel. Cet article étale toute la gamme de retournements à l’œuvre dans le marché de la fripe à des fins sociales et politiques. Sofian Beldjerd et Stéphane Tabois, de leur côté, à travers une enquête menée sur le devenir des objets dans l’habitat réalisée au domicile de 23 habitants, résidents dans les régions Centre et Poitou-Charentes, en milieu urbain, rendent compte des retournements des choses à l’œuvre dans le grenier. Cette « non pièce » est désormais un espace de relégation et de conservation des biens domestiques. L’article s’intéresse aux différentes formes de recomposition des propriétés et statuts des objets stockés, en scrutant quatre processus qui favorisent l’affaiblissement ou le renforcement du droit de cité domestique de ces biens : l’intégration d’un ordre, l’ensauvagement, le déphasage temporel et la destruction déléguée. L’entassement des choses dans le cadre d’un déménagement est exposé par Véronique Dassié. Elle nous parle des intérieurs domestiques qui recèlent des objets devenus obsolètes et qui s’entassent au fond des tiroirs, des armoires et des greniers. Leurs propriétaires ne les jettent cependant pas, ils les redécouvrent et portent un nouveau regard sur eux. Cette recherche aborde les conditions du retournement symbolique et affectif des choses et nous révèle les enjeux socio-biographiques que les objets retournés rendent sensibles. Anne Monjaret et Valérie Guillard enfin évoquent des choses que leurs propriétaires font circuler de chez soi au bureau et vice versa. Les résultats de l’enquête qualitative menée auprès de vingt citadin permettent de comprendre le rôle que joue la culture matérielle dans la séparation spatiale entre le domicile et le travail, séparation à deux dimensions : par assimilation (lieu d’arrivée) car les objets fondent dans le nouveau contexte en devenant des objets de là-bas et cessent d’être des objets d’ici et par conservation (lieu d’origine) car les objets ne seront jamais des objets de là-bas.

5D’autres contributions évoquent le cas des objets qui intègrent les collections d’un musée. Ainsi, Julien Bondaz aborde l’interférence entre la fiction littéraire et la visite muséale à travers le cas d’un perroquet empaillé exposé au musée Flaubert et d’histoire de la médecine de Rouen qui a servi de source d’inspiration au romancier Gustave Flaubert pour l’écriture d’Un Cœur simple. Ce perroquet possède une biographie complexe et dense : il est à la fois un objet (spécimen ornithologique mort), un animal (animal de compagnie vivant) et une chose (un personnage fictif). Aux yeux des visiteurs du musée, il expose et figure Flaubert en le rendant tangible et visible. Thierry Bonnot à travers une enquête de terrain sur les productions céramiques montre comment la découverte et la fouille d’un dépotoir industriel d’une entreprise fermée en 1957 vont bouleverser ses relations, ses appréhensions aux objets et ses perspectives méthodologiques. Les choses l’ont obligé à changer de perspective dans sa démarche de chercheur et de collectionneur dans un devenir commun aux choses et aux personnes. Par ailleurs, Florence Pizzorni nous raconte trois expériences d’objets retournés en étant conservateur du patrimoine au musée-laboratoire national des Arts et Traditions populaires : une poupée votive, l’autel de saint Exepédit et le carton du SDF. Ces retournements éclairent la spécificité des objets de mémoire et mettent en évidence le rôle du rapport de chacun à autrui dans la perception du temps humain par le langage des choses. Enfin, Mélanie Roustan évoque la restitution par la France à la Nouvelle-Zélande des têtes tatouées momifiées māori qui passent d’objets de musée conservés dans des institutions françaises à des restes ancestraux considérés comme sacrés. L’auteur rend compte de ce parcours en ayant recours à une anthropologie par la culture matérielle de ce retournement des choses.

6Dans certains cas, le retournement passe par un travail physique. Ainsi, la contribution de Claire Bustarret explique le détournement du jeu de cartes qui est destiné à un usage précis et le recours à ce support de surface réduite pour écrire. Dans cette étude, l’intérêt a été mis sur la carte à jouer dans sa matérialité, et à une pratique d’écriture considérée comme insolite dans le contexte des études consacrées aux manuscrits littéraires. Véronique Moulinié de son côté nous dresse le portrait de quatre ouvriers d’usine dont la façon de bricoler s’inscrit dans le prolongement de leur emploi. Le retournement qui s’opère concerne moins les choses que les bricoleurs eux-mêmes.

7D’autres contributions, enfin, soulèvent le regard comme une composante centrale du retournement des choses. Le regard de l’archéologue, Laurent Olivier, nous fait découvrir ce métier qui travaille sur les restes qui ont survécu du passé. Il est confronté à la mémoire non pas des hommes mais les héritages que transmettent les choses. Retourner la terre pour en extraire un objet conduit au retournement de son sens. Dans la contribution de Agnès Jeanjean, nous découvrons ce que les travailleurs des égouts font des choses diverses qui circulent ou reposent dans les canalisations et les stations d’épuration, au regard qu’ils portent sur elles, aux places qu’ils leurs attribuent et aux récits qu’ils élaborent à leur propos. Ce qui en est dit et/ou fait s’articule des points de vue sur le travail, la ville, les gens, la société et la place qu’ils s’y occupent, le vivant, le mort, le sexe, la peur et le désir.[...]»

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