«1À rebours du discours
économique dominant, les Économistes atterrés cherchent depuis leur
premier Manifeste de l'automne 2010 à convaincre que d'autres politiques
économiques sont possibles. Faisant le constat que la domination de
l'orthodoxie néolibérale n'a pas été suffisamment remise en cause pour
pouvoir être ébranlée, le collectif d'économistes a donc produit un
nouveau manifeste s'articulant autour de « 15 chantiers pour une autre
économie ».
2Inspirés
par la théorie économique keynésienne, ces chantiers sont autant de
propositions afin de changer l'économie européenne, tout en construisant
un modèle social avancé. De l'Euro jusqu'à l'écologie tout en passant
par les problématiques de l'emploi et de la protection sociale, les
économistes atterrés ont dégagé 15 priorités pour sortir les peuples
européens du moins-disant social. Pour les auteurs, ces priorités ne
sauraient trouver une application politique sans un renversement de la
doxa dominante en matière de pensée économique. Ainsi, les économistes
atterrés nous invitent-ils à revoir les notions de dépense publique, de
salaire, de PIB ou de fiscalité afin d'en faire des outils du renouveau
économique.
3En
premier lieu, les économistes atterrés placent l'urgence écologique
comme la première des priorités politiques. Tout en critiquant le modèle
productiviste, les auteurs démontrent qu'un nouveau modèle de
développement est possible à travers la transition énergétique. De
grands plans d'investissements verts au niveau européen permettront de
relancer l'emploi tout en mettant en place des modes de vie plus sobres.
Ce « Green New Deal » est le commencement de l'autre économie voulue
par les économistes atterrés, en synergie avec d'autres politiques
économiques. Afin de mieux intégrer la problématique écologique, les
auteurs soutiennent la mise en place de nouveaux indicateurs, qui ne se
limiteraient pas au décomptage de la richesse produite.
4Un
des constats réalisés par les auteurs est que les inégalités sociales
sont un poids pour l'économie et peuvent la rendre inefficiente. Ceux-ci
proposent donc d'augmenter les moyens alloués à l'éducation et la
formation, tout en proposant un plan ambitieux de lutte contre toutes
les inégalités (sociales, géographiques, de genre). À contre-courant des
discours sur l'assistanat, les économistes atterrés considèrent que la
réduction des inégalités par la revalorisation des prestations sociales
est la condition sine qua non d'un réamorçage de l'économie.
5Sur
le plan de la politique industrielle, les auteurs déplorent le fait que
l’État ne joue plus son rôle de stratège économique. Celui-ci devrait
impulser un grand programme de politique industrielle dans le cadre de
la transition écologique et énergétique. D'autre part, les économistes
considèrent que la politique de la concurrence au sein de l'Union
européenne est inefficace. Il serait plus avantageux pour les
États-membres de collaborer à l'édification de « champions » européens
permettant de peser contre les géants américains et asiatiques plutôt
que d'user leurs appareils productifs dans une concurrence continentale.
En dernier ressort, les auteurs préconisent de renforcer la place de la
BPI (Banque publique d'investissement) et de la BEI (Banque européenne
d'investissement) afin de permettre une vraie politique d'investissement
de long terme.
6Pour
redéfinir le rôle social et économique de l'entreprise, les économistes
proposent de changer la gouvernance de celle-ci en revalorisant la
place du salarié au sein de celle-ci. Ainsi, le comité d'entreprise doit
pouvoir désormais avoir voix au chapitre quand aux décisions
stratégiques majeures de l'entreprise afin de s'assurer que celles-ci
respectent le rôle des salariés. Ces derniers devront également être
dotés de nouveaux droits afin de rentrer de plain-pied dans la cogestion
effective. Les auteurs souhaitent également qu'une plus grande place
soit donnée aux entreprises relevant de l'économie sociale et solidaire,
modèle d'entreprise en conformité avec les aspirations sociales et
démocratiques d'une société avancée.
7En
outre, la vulgate néolibérale caractérise désormais les salariés comme
des charges, ayant un coût pour l'entreprise. Les économistes atterrés
démontent cette analyse en montrant les effets négatifs que peut avoir
la modération salariale tant sur le plan de la déprime de la demande que
du gonflement de la dette privée. Afin de renforcer l'économie, les
auteurs proposent, contrairement à l'évolution des dernières années, une
augmentation des salaires pour opérer une relance de la consommation.
Ceux-ci militent également pour une création d'un salaire minimum au
niveau européen afin d'en finir avec le dumping social au sein de
l'espace communautaire.
8Toujours
au niveau des politiques de l'emploi, les économistes atterrés
considèrent qu'atteindre l'objectif du plein-emploi est toujours
possible, à condition de mettre en place des politiques volontaristes et
ambitieuses. Ainsi, si la croissance et la relance de l'économie
peuvent avoir un effet sur la réduction du chômage, la première des
politiques de l'emploi reste la réduction du temps de travail. La RTT,
si elle répond à une tendance centenaire de baisse de durée du travail,
est aussi logique économiquement puisqu'elle permet un partage du temps
de travail dans un contexte de forts gains de productivité.
9Une
autre volonté de réhabilitation de la part des économistes atterrés est
celle de la dépense publique. Si le principal objectif des gouvernements
actuels est de la réduire, celle-ci reste pourtant un levier de
politique économique primordiale. Ainsi, c'est par la dépense publique
que l'on a toujours garanti la justice sociale et surtout l'efficacité
économique, à travers le multiplicateur keynésien. La dépense publique,
si elle est amenée à s’accroître, doit se concentrer sur la réalisation
de la transition écologique afin de consacrer la politique budgétaire
comme pilier stratégique de la transformation des modes de vie.
10Pour
rendre soutenable cette dépense publique, les auteurs n'oublient pas de
lui adjoindre une politique fiscale à la hauteur des enjeux. Ceux-ci
réclament une plus grande progressivité de la fiscalité pour la rendre
plus juste et efficace. Il s'agira également d'en finir avec
l'optimisation fiscale qui est contre-productive économiquement.
Toujours dans une perspective écologique, la fiscalité incitative
permettra de sanctionner les comportements polluants afin de les rendre
plus propres.
11Dans
le même ordre d'idée, la protection sociale est régulièrement attaquée
par l'orthodoxie libérale pour son coût et son inefficacité. Les auteurs
mettent au contraire en avant qu'une solide protection sociale est un
avantage économique considérable, car elle permet d'avoir une population
instruite, en bonne santé et donc productive. Dans cet esprit, les
économistes promeuvent le mieux-être social, concept qu'ils souhaitent
être à la base du nouveau modèle social européen.
12Ce
nouveau modèle ne pourra cependant pas advenir sans un sérieux
encadrement de la finance, qui agit actuellement à contre-emploi. Pour
cela, les auteurs demandent la stricte séparation des banques de détail
des banques d'investissement pour protéger l'économie réelle. De même,
la mise en place d'une réelle taxation des transactions financières
permettra d'endiguer la spéculation.
13En
dernier lieu, les économistes atterrés s'emparent de la question de la
politique monétaire afin de la redéfinir et de la sortir du carcan
néolibéral. La BCE devrait ainsi avoir pour mandat le soutien de
l'activité et du plein emploi à travers une politique monétaire
expansionniste en symbiose avec une politique budgétaire européenne
volontariste. Sur la question de l'euro, les auteurs partent du principe
que le fonctionnement de la monnaie n'est pas adéquat et qu'une remise à
plat des traités est nécessaire afin de gagner des marges de manœuvre
en terme de politique monétaire. Cette nouvelle redéfinition de l'euro
permettrait une harmonisation sociale et fiscale par le haut des
économies des pays membres.[...]»
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