terça-feira, 14 de abril de 2015

Seniors, les mal-aimés des employeurs ?

 Couverture Grands Dossiers   n° 38
«Les réformes se succèdent mais les seniors peinent 
toujours à trouver leur place sur le marché de l’emploi. 
De timides changements s’amorcent.

Depuis février 2008, le nombre de chômeurs de 50 ans et plus a été multiplié par 1,6, une progression deux fois plus rapide que pour l’ensemble des chômeurs. Pourtant, de nombreuses mesures ont été prises, surtout depuis 2003, pour inverser la tendance à la sortie précoce et évoluer vers un marché du travail plus « inclusif (1)  » à l’égard des travailleurs plus âgés : quasi-extinction des préretraites publiques et coût plus élevé des préretraites d’entreprise, relèvement de l’âge de mise à la retraite par l’employeur, réduction de la durée d’indemnisation des chômeurs âgés et fins de la dispense de recherche d’emploi, développement des incitations en direction des employeurs pour favoriser le maintien dans l’emploi et le recrutement des salariés âgés.


Ce véritable basculement du cadre institutionnel a modifié les comportements des employeurs et des salariés, mais les transformations sont à la fois très diversement opérées, incomplètes et en partie invisibles. Les cessations d’activité sont en effet plus tardives mais le relèvement des âges seuils de retraite et de la durée d’assurance requise produit ses effets progressivement. Le taux d’emploi des 55-64 ans a augmenté (même au cours de la récession actuelle).


Des stéréotypes tenaces


Avec la fin des préretraites publiques, les seniors qui perdent leur emploi sont désormais des chômeurs comme les autres, de plus en plus nombreux. Ils ont toujours de grandes difficultés à retrouver un emploi (encadré ci-dessous).



1,166 million de chômeurs de 50 ans et plus étaient recensés par Pôle Emploi fin 2014.


Les seniors sont affectés par un chômage de plus longue durée : près de dix-huit mois en moyenne, soit une durée deux fois supérieure à celle des 25-49 ans.


Les recrutements diminuent avec l’âge : le taux d’entrée des 50 ans et plus est deux fois plus faible que celui des 25-49 ans.



Les entreprises ont mis en place des accords et des plans d’actions en faveur de l’emploi des salariés âgés de nature et de portée très diverses : certaines ont réellement enclenché des actions, d’autres ont enrichi ou enraciné leurs actions, d’autres encore n’ont mis en place que des actions ponctuelles ou relativement formelles (2). L’amélioration des conditions de travail et surtout le recrutement des seniors sont les deux thèmes les moins retenus.


L’importance donnée aux réformes de la retraite a largement masqué la nécessité de faire évoluer le travail pour que les seniors puissent effectivement travailler plus longtemps.


Éviter l’exclusion des seniors qui n’ont pas encore l’âge de la retraite nécessite de changer l’idée que nous nous faisons couramment de ce qu’est « vieillir au travail ». Le vieillissement est en effet souvent considéré sous l’angle du déclin. Beaucoup de stéréotypes peuvent influencer les comportements des employeurs : les salariés vieillissants seraient moins productifs, moins adaptables aux nouvelles technologies, réticents à l’égard du changement et auraient des difficultés d’apprentissage. L’ergonomie contemporaine montre au contraire que le vieillissement s’accompagne aussi du développement de l’expérience (du travail, mais aussi de soi et des autres (3)). Lorsque l’entreprise ou l’organisation reconnaît cette expérience et donne les moyens de la déployer, les travailleurs vieillissants peuvent maintenir leurs performances. Il en va de même dans les situations de changement de travail (mobilité, polyvalence, réorganisations…) dès lors que les modalités de formation et de conduite du changement tiennent compte des caractéristiques des personnels expérimentés. Si l’âge moyen à partir duquel un salarié est considéré comme « âgé » par les employeurs a augmenté, la référence à des seuils d’âge pose problème car le vieillissement est avant tout un processus continu et variable (encadré ci-dessous).


Insister sur l’expérience acquise dans le travail conduit à pointer une autre idée reçue : l’expérience des seniors justifierait et garantirait leur maintien dans l’emploi parce qu’ils assureraient la transmission des savoirs entre âgés et jeunes. C’est l’un des axes du contrat de génération. Les salariés âgés représentent en effet une proportion croissante des effectifs dans les entreprises ; ils sont aussi très nombreux à partir à la retraite. Il y a là un enjeu important en termes de conservation, développement et renouvellement des savoirs professionnels. Cependant, la transmission ne se joue pas seulement entre un jeune (supposé novice) et un âgé (supposé expérimenté). C’est l’organisation du travail elle-même qu’il convient de penser pour assurer cette transmission.


Maintenir les seniors en emploi ne consiste donc pas seulement à trouver des solutions pour « gérer » les salariés vieillissants actuels. L’enjeu central est le maintien voire le développement des « capacités » tout au long de la vie, via la formation (en tenant compte des modalités d’apprentissage différentes selon l’âge et l’expérience), l’évolution de carrière (y compris dans les dernières années), la prévention des inaptitudes et des problèmes de santé (y compris en repensant les parcours professionnels) et une réflexion sur les conditions et l’organisation du travail (en offrant ou maintenant des marges de manœuvre, en donnant la possibilité d’apprendre dans son travail, en conservant une diversité des exigences des emplois). Il s’agit de créer les conditions d’un « travail soutenable », ce qui imbrique étroitement les questions de conditions de travail, de sélection et de marges de manœuvre.[...]»

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